Elle Ranger, Ève de son second prénom, est une jeune orpheline de père et de mère depuis l’âge de six mois. Née en France, à Juan-Les-Pins, elle s’est vite retrouvée en foyer d’adoption quand sa mère, célibataire et professionnelle de la rue, est morte d’une overdose. Son père était un de ses clients, un dealer sans doute, qui lui fournissait ses doses. Elle était un nourrisson très calme. Jamais elle ne pleurait pour dire qu’elle avait faim ou froid ou mal quelque part. C’est la raison pour laquelle, quand on l’a retrouvée dans son couffin miteux, presque en hypothermie dans les rues de la ville, ça faisait déjà deux jours qu’elle était là.

Compte tenu de son naturel à ne pas se plaindre, et à se satisfaire de ce qu’elle avait, Elle a été très demandée par des couples qui désiraient un enfant mais qui ne pouvaient en avoir par voies naturelles. Ironiquement, c’est aussi celle qui a été le plus rendue à l’orphelinat après seulement quelques semaines dans sa famille d’adoption. Il se passait des choses étranges quand elle était là. Le chien de la famille qui s’était fait écrasé revenant à la vie, les souris prises dans les tapettes à souris pareillement, les chatons tués à l’éther qui survivaient… Même si les familles ne les attribuaient pas directement à la fillette, elles mettaient ces choses étranges sur le compte des mauvais présages.

La petite Elle a bien dû se retrouver dans pas moins de trente familles d’accueil différentes avant d’atteindre l’âge de douze ans. A cet âge-là, elle décida de refuser de migrer ainsi, de familles en familles. Elle ne supportait plus ces personnes soi-disant sincères qui la rejetaient dès qu’un événement bizarre se produisait. Et elle lança elle-même la rumeur selon laquelle elle était maudite et que de terribles choses arriveraient à ceux qui voudraient l’adopter définitivement.  Même si ce n’était plus vrai, car l’une de ces familles l’ayant adoptée, qui croyait au surnaturel, fit appel aux services d’un sorcier. Pour Elle, ce n’était qu’un charlatan. Elle ne prit pas la cérémonie qu’il pratiqua au sérieux. Pourtant, sans qu’elle ne s’en doute, il venait de brider ses pouvoirs. Elle ignorait qu’elle était dotée d’un don de nécromancie, et l’ignorera encore longtemps.

Restant donc à l’orphelinat, elle continua sa scolarité comme n’importe quelle jeune fille de douze ans, se fit quelques amis sans s’y attacher vraiment, et entra pleinement dans l’adolescence.

A cette époque, quand les hormones commencèrent à chatouiller un peu son attitude, Elle devint vite la coqueluche du lycée qu’elle fréquentait. Orpheline, peut-être, mais populaire. La jeune fille sortit avec plusieurs garçons de sa classe, se disant amoureuse à chaque fois. Mais l’émotion intense qu’elle ressentait pour eux finissait par s’estomper, et elle n’éprouvait plus pour eux qu’une grande affection.

Sa première fois, Elle la vécut à dix-sept ans. Les Terminales du lycée les plus populaires organisaient une petite fête où n’étaient invités que leurs amis aussi populaires. Elle était des leurs. Elle avait rompu avec son précédent copain deux jours plus tôt, mais ça ne l’empêcha pas d’avoir le coup de foudre pour un autre ce soir-là. L’alcool aidant, ce ne fut pas seulement une histoire de bécotages entre eux, mais ça finit sous les couettes.

Et une semaine après, elle rompait de nouveau.

Cette année-là, on lui fit une réputation fort peu enviable. Elle restait toujours populaire, mais pas pour les mêmes raisons. Elle s’en fichait cependant. Elle commença aussi à s’intéresser à son avenir. Compte tenu de sa faculté d’apprentissage rapide, elle était considérée comme l’une des meilleures élèves du lycée, si ce n’était la meilleure. Elle lu beaucoup de brochures sur les universités, et se lança dans une licence de médecine. L’orphelinat n’avait pas les moyens de payer les frais de scolarité, alors elle prit un petit boulot à côté.

Elle devint alors indépendante et pu se payer un logement à elle. Elle passa les trois premières années de licence avec succès, travaillant avec acharnement, pour ensuite se voir proposer une chance inespérée de changer de cadre de vie. Juan-Les-Pins était jumelée avec une ville des Etats Unis, la Nouvelle Orléans, en Louisiane. On lui proposa alors d’aller faire le reste de son cursus là-bas, dans le cadre d’un échange. Rien ne changerait pour elle, sinon le cadre de vie. Elle continuerait à travailler pour payer ses frais, et à étudier. Mais en Louisiane.

La jeune femme accepta alors, sans se douter qu’elle acceptait ainsi d’entrer dans un monde empli de bizarreries. Et elle vient donc d’emménager dans un appartement au deuxième étage du 503 Dauphine Street, à l’angle de Dauphine Street et de Saint Louis Street, dans le quartier français. Elle ignore aussi qu’elle fait un piètre sorcière en général, et que lorsque le blocage de son esprit imposé é tant plus jeune sautera, il n’y aura qu’avec la nécromancie qu’elle aura des affinités.